La Révolution de Counozouls

A partir de la Révolution le pays perd de son autonomie et son histoire se confond avec celle de la France. Il vit des moments troublés par les changements de gouvernements. La forêt est le fruit défendu et vivant à côté le paysan ne comprend pas qu’il ne puisse y trouver son chauffage et son bois de construction. En crise politique le paysan donc s’abat sur la forêt pour la piller sans regarder s’il dévaste pour des années. A la Révolution on a agi ainsi à Belfort (Plateau de Sault) c’est la dévastation de la forêt de M. de Turin Couderc.

Cas particulier, Counozouls de la révolution de 1789 à sa révolution de 1903/1904 : A la Révolution, la nouvelle propriétaire, la marquise de Poulpry, ayant figuré sur la liste des émigrés, ses biens furent mis sous séquestre, puis confisqués et vendus en partie. Le 20 octobre 1800, la marquise ayant obtenu sa radiation de la liste des émigrés, rentrait en possession de ses biens non vendus et notamment de ceux de Counozouls. A son décès, le 17 janvier 1814, le baron Jean de la Rochefoucauld héritait en qualité de légataire universel. Par acte du 30 juillet 1894, tous les biens, immeubles, situés sur les territoires des communes de Roquefort-de-Sault, Sainte-Colombe-sur-Guette, Le Bousquet, Escouloubre, Axat, Cavirac, Belvianes, Lapradelle-Puilaurens, Salvezines, Caudiès et Counozouls sont vendus pour 2 000 000 de francs à un sieur Jodot. Les biens de la seule commune de Counozouls comprenaient, du nord au sud et en remontant la vallée, la forêt des Bailleurs (675 hectares) et la forêt de Lapazeuil (1594 hectares), au fond de la vallée la scierie des Fournas, la métairie de Becaud (13 hectares) et la scierie de la Moulinasse, enfin à Counozouls même, un moulin et une maison d’habitation.

Jodot prend immédiatement comme régisseur un ancien inspecteur des forêts en résidence à Quillan, et met les forêts en coupe réglée, réduisant ainsi les superficies de pacage et les possibilités d’usage forestier. En outre, il refuse à la commune tout droit d’affouage autre que celui du bois de chauffage et s’oppose aux droits d’usage forestier et de dépaissance sur la partie sud de la forêt de Lapazeuil. Inévitablement, des procès-verbaux pour délits de garde à vue sont dressés notamment les 26, 27, 31 mai, 8 et 9 juin 1897 contre Fromilhagues et Soulié, pâtres communaux de Counozouls qui se voient traduits devant le tribunal correctionnel de Limoux le 24 juin 1897.

Trois ans plus tard, en dépit d’actions légales poursuivies de juridictions en juridictions par la commune de Counozouls, Jodot obtient presque satisfaction. Il fait effectuer une surveillance sévère de ses biens par ses gardes particuliers qui verbalisent tous les contrevenants. Là-dessus Jodot assigne la commune de Counozouls devant le tribunal de Limoux pour faire cantonner les droits d’usage forestier et de dépaissance reconnus par les décisions judiciaires définitives. Nouvelle décision favorable à Jodot, des experts sont désignés.

Le 17 juillet 1903, à huit heures du matin, trois experts se présentent au maire qui les conduit sur la place où toute la population est rassemblée. Les propositions de cantonnement sont lues à la population qui empêche le maire de répondre, signifie son refus aux experts et les chasse du village.

Deux Argence (père et fils) sur cette photographie, déterminés, avec leurs fusils. (Chaque personnage est identifié)

A partir de ce jour la communauté se déclare « commune libre ». En septembre 1903, le conseil municipal se refuse à inscrire au budget communal: malgré l’injonction du sous-préfet de Limoux, une somme de 2665,25 francs représentant le montant des amendes et des frais de la procédure de poursuites des pâtres communaux. Un peu plus tard, les villageois décident de ne plus voter et lors des élections législatives on n’établit même pas de bureau électoral: ils s’opposent aussi au paiement d’un impôt nouveau qui doit couvrir les frais de justice impayés. Avant la fin de l’année 1903, le château de la Moulinasse, à l’orée de la forêt de Lapazeuil, est incendié une première fois; trois jours plus tard c’est au tour du pavillon des gardes d’être détruit. Dans le même temps les habitants achètent des fusils à la manufacture d’armes de Saint-Etienne, et pendant les premiers mois de l’année 1904, personne n’entrera à Counozouls. Le 4 juin 1904 Jodot vend ses biens à la société Ernest Ader & Cie. Celle-ci s’attache le concours des habitants auxquels elle fait de larges concessions, tandis que le calme revient dans la vallée. Le 23 mai 1904 les habitants de Counozouls constituent une société civile dite Syndicat de Counozouls. Militaire, Empereur, Général, Bataille, Marin et quatre-vingt-six autres habitants ou propriétaires de Counozouls deviennent membres fondateurs de cette société originale où le curé, l’instituteur et le carillonneur sont membres associés.

(Rédigé par l’Abbé Moulis en 1905, réédition en 1920)

En bleu : propos infâmants. Aucun paysan ne peut dévaster une forêt pour des années, il connaît trop bien et respecte la terre.

Je suis allée à Counozouls, en 2004, en sortant de Buillac, voulant rejoindre Mosset pour venir vers Eus, afin de prendre le chemin emprunté par les ancêtres. Counozouls, c’était par hasard. Comme c’était sur la route, j’y suis allée pour chercher un Argence sur le monument aux morts. Il y avait des jeunes qui m’ont envoyée à la Mairie, disant que j’y trouverais beaucoup de choses. Il y avait un maire extraordinaire, Michel Grosselle (présent sur Facebook) qui avait demandé à ses secrétaires de transcrire tous les registres anciens pour faciliter le travail des généalogistes. Il m’a dit aussi que c’était dommage, que j’arrivais le lendemain des célébrations du centenaire de la Révolution de Counozouls. J’ai travaillé le sujet, me suis beaucoup renseignée, rencontré des gens qui m’ont parlé. L’année suivante, j’y suis retournée pour leur anniversaire. Ils avaient monté une exposition intéressante, avec la généalogie des familles imprimée sur un rouleau de papier qui faisait le tour de la pièce, grâce aux talents d’un imprimeur de Marseille. J’ai adhéré à l’association 1904.
Catherine Argence
Créé par David Argence
(Baeserta : Divinité celtique des Pyrénées • Déu celta dels Pirineus)