Christian Saint Jevin Argence

Christian était un personnage unique, atypique, lunaire, d’une extraordinaire gentillesse.

Quand il m’a vue pour la première fois, lors d’une cousinade à Eus, il est venu se présenter « Bonjour Cousine, je m’appelle Christian Saint Jevin Argence, je tiens au nom Argence!  » « Je souhaite t’offrir ce livre de poésies que j’ai écrites, je suis poète. »

Je venais retrouver le grand nombre de cousins que j’avais réunis sans en connaître le quart dont j’avais fait la connaissance à la cousinade précédente. Quand j’ai vu cet homme tellement particulier et inspiré, je me suis dit « cet homme est fou ». Il l’était peut-être, mais alors, il faut souhaiter cette folie à tout le monde.

Il avait fait de sa personne un personnage apprêté, élégant et fantasque à l’image sur-travaillée, le crâne rasé sous un chapeau savamment posé en équilibre sur le côté de sa tête, une moustache superbement taillée, à la Mistral, un tatouage sur la hauteur de son cou, à la chinoise. Je ne me rappelle plus exactement de sa tenue d’alors, mais j’ai lu plus tard qu’ il sortait toujours très volontiers avec sa canne à tête sculptée et une grande longue cape rouge qui semblait flotter en accompagnant sa marche. Il aimait ainsi se rendre dans des écoles où il lisait ses poèmes, et croyez bien, si vous qui ne l’avez pas connu, qu’entendre Christian lire ses poèmes, c’était quelque chose ! D’ailleurs il ne les lisait pas, il les disait, de sa jolie voix douce et un peu cassée, à l’accent méridional. Si l’Art Poétique était une religion, il aurait converti des dizaines d’écoliers subjugués.

Le jour de la Cousinade doublé du jour de notre première rencontre, il est venu me demander s’il pouvait dire quelques poèmes, je crois qu’il en avait prévu trois. J’ai accepté bien sûr, mais avec crainte car nous étions nombreux, et pour quelques-uns, assez dissipés.

Christian a commencé, quelques visages se sont mis à sourire, prêts à chahuter peut-être, tandis que le brouhaha cessait net, mais la diction, le talent et la composante de la belle âme de Christian a saisi chaque participant. J’ai observé les visages frappés d’une stupeur qui écarquillait les yeux et ouvrait les bouches. Personne n’a plus rien dit, chacun a écouté.

Moi-même ai déposé mes craintes et je me suis laissée porter par les mots, comme les parents bien aimés qui écoutaient. Christian nous transportait ailleurs. Même les mouches n’ont pas osé entrer dans la Salle du Temps Libre, et si l’une d’elles s’y était risquée, dans les moments où Christian marquait une pause, on les aurait entendues voler !

Il a été bissé sur le poème du ventre rond, et on lui en a demandé d’autres, plusieurs autres. Il a enchanté, charmé son auditoire – cette famille qui était sa famille mais dont la plupart des membres ne le connaissait pas, qui venait pourtant de se mettre à l’aimer, à l’intégrer dans le cercle d’une famille colorée et très vivante.

Christian nous a quittés en 2017. Je ne sais pas quel fils, quel époux, quel père, quel frère, quel ami il a été, mais il continue de beaucoup nous manquer. Je pense souvent à lui. A présent, il dit ses poèmes au Bon Dieu qui lui en inspire mille autres, mais je ne doute pas que depuis son nuage, il pose son bon regard bleuté sur sa famille aimante et aimée. Pour toujours sans doute, il veille et bénit. Il est mort, c’est difficile à écrire. Pourtant, son cœur n’a pas cessé de battre.

Dédicace de son livre :

« Puissiez-vous prendre autant de plaisir à déflorer mes états d’Ame que moi de passion à les écrire
et Merci pour que ce Nom d’ARGENCE fasse partie Demain du Devenir de nos enfants.
Affectueusement, Christian »

– Catherine Argence

Vidéo : Christian Saint Jevin Argence dit l’un de ses poèmes