Argence, L’installation en Louisiane. Qui, quand et comment, pourquoi …

[CathA]

Qui ? Antoine Argence. Quand ? Le 29 janvier 1894. Comment ? En bateau, le paquebot « Le Bourgogne » parti du Havre, arrivé à New York, puis 3 jours de train jusqu’en Louisiane. Pourquoi ? Parce qu’il est musicien professionnel et qu’il vient d’obtenir un contrat d’organiste dans l’église Sainte Marie en Louisiane. 
Qui ? Antoine Michel Paul Argence, né le 11 novembre 1872 à Saint Denis du Sig, Ferme Shabbat. Ses parents, Joseph Martin Michel et Catherine Foulquier, sont des colons français originaires d’Eus pour Joseph, et Marquixanes (voisine d’Eus) pour Catherine. Joseph est veuf de Rose Castagne. Il a connu Catherine en Algérie. Antoine a 13 frères et sœurs. Sa vue est très faible, il la perdra assez rapidement, à l’âge de 5 ans. Une opération ophtalmique est tentée alors qu’il a 7 ans, mais elle échoue. Ses parents cherchent un moyen pour qu’il puisse trouver un métier et gagner sa vie. Ils lui font donner des cours de musique et le font inscrire au Conservatoire de Musique pour Aveugles de Paris jusqu’à l’âge de 18 ans. Devenu professeur, il a exercé jusqu’à 20 ans puis il est allé en Normandie comme organiste et professeur de musique dans un couvent, et professeur dans un collège. Un prêtre l’a entendu jouer de l’orgue et l’a invité à être l’organiste de son église à Bayou Lafourche, en Louisiane. 

Il accepte et s’embarque au Havre sur le navire « Le Bourgogne ». A son arrivée à Ellis Island, il se fait enregistrer sous le pseudonyme « Amédée Anthony ». Il a 21 ans, n’a pour bagage qu’une petite valise, et ne parle pas un mot d’anglais. Il réussit à prendre le train qui l’amènera jusqu’en Louisiane. Trois jours de voyage, sans pouvoir se laver parce qu’il ne sait pas s’exprimer dans cette nouvelle langue qu’il ne connaît pas. Le troisième jour, miracle, il entend quelqu’un qui parle français. Sa vie prend alors une nouvelle tournure et il arrive à Bayou Lafourche sans encombre.

Il s’installe à Thibodaux et fait la connaissance de Josephine Breaux, une jeune fille d’origine acadienne. Ils se marient le 21 octobre 1895 à Lockport où elle est née. Ils vont résider à Thibodaux. Il est très amoureux d’elle, et compose pour elle. Aucune de ses compositions ne trouve grâce à leur auteur. Tous ceux qui les entendent en déclarent la beauté, mais il doute, pensant que ce public félicitait davantage l’effort et le travail que le résultat lui-même. Tout le monde chante la beauté de Josephine, une beauté que lui seul ne peut pas voir. Il en souffre beaucoup.

Ensemble, ils ont 10 enfants, 6 filles et 4 garçons : Stella, Louise, Ferdinand, Harriet, Marcel, Maurice, Jeanne, Anthony Paul, Alice, Lucille. Il leur a enseigné le français et la musique. Ils ont tous appris à jouer de plusieurs instruments.

Un jour il a reçu d’Algérie la lettre d’un frère qui souhaitait venir lui rendre visite, mais il a craint qu’il découvre ce qu’il ressentait comme de la pauvreté, alors il a refusé. Il n’a plus jamais retrouvé les siens, mais la cécité et sa scolarité si loin de sa famille l’en avaient très tôt accoutumé.

Avec Joséphine et leurs enfants, il déménage à Morgan City alors qu’ il obtient un contrat pour un certain nombre de représentations. Il a joué de l’orgue et chanté à l’église catholique du Sacré-Coeur pendant 18 ans. Il a continué à enseigner la musique après s’être cassé une jambe dans un accident de voiture. Il recevait ses élèves à la maison, et aussitôt que l’un d’eux sonnait à la porte, courtois et affable, il enfilait toujours une veste de costume pour garder une tenue parfaite.

Il lisait et écrivait en braille et composait de la musique. Il échangeait régulièrement avec sa famille restée en Algérie. Tous avaient appris le braille pour correspondre avec lui.

Il s’éteint le 29 octobre 1953 à Morgan City où il est enterré. Il laisse derrière lui une importante famille solidement implantée en Louisiane, qui a plutôt bien réussi. Une belle satisfaction pour cet homme discret.

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