@catha
Profil
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Née le 8 août 1956 à Issy les Moulineaux. Mes grands parents achètent un tout petit appartement à leur fils, mon cher papa, à Paris dans le 13ème arrondissement. J'y suis domiciliée de 0 à 18 ans, au bas puis un peu plus haut dans l'avenue des Gobelins, quand mon frère et moi avions trop grandi pour continuer de partager un logement de 35mètres carrés dont une seule chambre. Notre immeuble premier avait été bâti au dessus des anciennes cuves de teinture datant du 18ème siècle, le long de la Bièvre, aussi nos caves étaient tapissées de myriades de champignons blancs et dodus qui délivraient une odeur de pain frais. Baccalauréat littéraire, non obtenu malgré deux essais, en 1974 et 1975. Mathématiques honnies, abhorrées, mais éclate totale en travaux manuels, mon domaine de prédilection (poterie, couture). Je dévore la littérature classique qui m'enchante. J'engrange les mots, les tournures de phrases, les aventures, je passe d'une vie à l'autre en m'identifiant souvent aux personnages qui habitent ces livres. J'apprends à vivre à travers eux. Anglais, Allemand, Latin, un peu de Grec; une vingtaine d'années plus tard, Russe en cours du soir pour adultes, puis Catalan en cours hebdomadaires délivrés par la Ville de Perpignan. L'important n'est pas le nombre de langues, mais d'avoir quelque chose à dire, et j'ai si longtemps négligé cette pratique que ma mémoire sélective, un jour de grand vent, a tout laissé s'envoler ... Ce qui m'a intéressée dans les langues, c'était l'origine des mots, leur généalogie en quelque sorte. Et je crois que je ne me suis intéressée au Grec que parce que je souhaitais que son alphabet ne soit plus un mystère pour moi, que j'aimais la délectation de la racine de notre vocabulaire dénichée ici et là. J'ai le regret de ne pas avoir pris de cours d'Hébreu qui eût été mon Graal, combinant à la difficulté d'une nouvelle orthographe un nouveau sens de lecture et d'écriture. Je me souviens de mon copain Abraham qui peinait à cet apprentissage pour satisfaire à l'exigence familiale et déchiffrait devant moi son atlas couvert de caractères incroyables. Il se débrouillait ma foi plutôt bien. Je me souviens lorsque pour me faire plaisir, il déchiffrait "Per-pi-gnannn". Je suis descendue à Perpignannn à la fin de mes 18 ans chez mes grands parents chez lesquels je suis restée un an avant de me fiancer. Sublime année, la première de mes meilleures années chez ces êtres délicieux dans un environnement d'harmonie parfaite, d'amour et d'apprentissages. Ils n'avaient eu qu'un fils, espéré une fille qui ne leur était pas venue ... Pendant un an, pour moi seule, j'ai reçu, après tellement d'années de bienveillance, un amour infini dans lequel je continue de puiser mes forces d'existence. J'étais leur princesse. Je n'en ai pas abusé, mais comme cela m'a fait du bien ... Mariée à 20 ans, maman à 21, de Christophe, re-maman à 27 ans, de Lucie. Travail en pointillés pendant leur petite enfance, au Théâtre Municipal de Perpignan, puis mes contrats s'allongent à mesure qu'ils grandissent, dans cette Maison où j'ai créé de nombreux costumes et entretenu des centaines, des milliers d'autres. J'ai accompagné de très nombreux artistes pour lesquels je me dévouais sans compter. Je partais travailler avec joie, énergie, curiosité de ce que je pouvais améliorer, fidèlement, follement, comme lorsqu'on aime. J'ai laissé dans ce lieu ma jeunesse, mon énergie et toujours gardé mon amour pour ce temple que je connaissais par cœur dans les recoins comme dans l'Histoire, jusqu'à guider de nombreuses visites publiques. J'ai follement aimé l'Opérette, les Artistes, chanteurs, musiciens, danseurs. Même lorsque le Conservatoire venait présenter son spectacle de fin d'année qui incluait toutes les classes de chant, danse et art dramatique, les professeurs se retrouvaient, sans s'être concertés, chez moi, sous les tuiles du toit de mon atelier, lieu de paix et de réconfort à l'écart des folles énergies de la Scène. Divorcée à 40 ans, en couple avec un compagnon qui a partagé ma vie pendant 13 ans avant de décéder. La vie m'a offert une troisième chance avec l'arrivée de Michel qui est toujours à mes côtés. Nous cheminons ensemble, bras dessus, bras dessous, sur la suite de notre chemin de vie. A la construction du Théâtre de l'Archipel mes occupations professionnelles se sont diversifiées, très rarement en création de costumes, majoritairement en Habillage, Accueil des Compagnies et gestion des achats liés à l'accueil et aux réceptions que j'organisais et mettais en place. Côté coulisses, ce nouveau lieu m'a permis de retrouver des héros de ma jeunesse (Jean Claude Drouot, Jean Marais, Francis Huster), des écrivains que j'admirais (Philippe Torreton), des chanteurs lyriques incroyables (Alain Vanzo, Carlo di Angelo, Jose Todaro, Julia Miguenes Johnson et tellement d'autres ...), des orchestres prodigieux (Orchestre du Capitole de Toulouse), mais aussi des héros de l'ombre, ceux qui écrivaient les histoires, ceux qui les montaient physiquement sur le Plateau, les électriciens, les bricoleurs sublimes aux mille talents et mille inventions, des petits êtres mystérieux, humbles, délicats, qui se décarcassaient pour que le miracle continue d'opérer chaque soir. Je me souviens d'une petite dame toute simple, modeste et charmante, intéressante et riche, tout occupée à soigner un spectacle qu'elle avait monté. Elle était venue me demander de réparer une marionnette qu'elle avait créée. Nous avons discuté en toute liberté, posément, échangeant sur nos travaux, très tranquillement. J'étais amoureuse de sa marionnette. Une grande honte m'a prise quelques heures plus tard quand j'ai découvert qu'elle était la fille de Charlie Chaplin. Jamais je ne me serais exprimée avec la même liberté, la même insouciance. Je me serais tue je crois. Cher métier. J'ai pris le café dans une roulotte de cirque, un ténor est venu chanter à pleine voix mon air préféré (La Romance de Nadir) dans la tranquillité de mon atelier, juste pour moi, juste pour me faire plaisir, j'ai fait griller des côtelettes pour Véronique Sanson, ouvert des huîtres pour une comédienne qui avait tenté la veille de mettre fin à ses jours, confectionné une tarte aux figues pour François Morel, concocté mille tisanes, traité mille misères, maux de gorge, rages de dents ... J'ai même, bien que si timide, présenté deux spectacles, au Palais des Congrès et au Conservatoire, pour une amie qui me le demandait. Je me souviens du premier de ces spectacles. Une heure avant que le rideau se lève, elle vient me demander de prendre sa place au micro. Son regard se plante dans le mien, elle m'hypnotise, je suis sans voix, tétanisée, son corps s'enroule autour du mien, rivé au sol et pendant cet échange presque silencieux mais tellement intense, sans un mot ses élèves m'habillent d'un costume traditionnel catalan, me coiffent d'un chignon bas couvert d'un large noeud de velours noir perlé, piqué d'un peigne girafe, tandis que m'est présenté le texte que je vais lire. Un ami chorégraphe, habitué de la scène, arrive à cet instant, amusé par ce qu'il découvre, me donne de solides conseils et rejoint la salle d'où je reçois son soutien, son amitié paternelle, sa force. La foule ne m'effraie plus, je présente un très très beau spectacle, j'ai énormément travaillé sur les costumes, reconstitutions de tableaux de Goya. Mes costumes s'apprêtent à prendre vie sur scène, portés, incarnés par les danseurs, les comédiens, les musiciens, je suis heureuse. En retraite aujourd'hui depuis bientôt deux ans. J'ai promis de ne plus revenir. J'ai fait mon temps. Le Théâtre a pris toute la place dans ma vie, je me consacre à présent à ma Famille. Mes collègues, qui connaissaient bien ma passion pour Colette et les violettes, m'ont fait un adieu de rêve, inoubliable. Les absents étaient revenus pour moi, parfois depuis Narbonne. Ils m'ont offert une visite de la Maison de Colette, réservé un logement sur place, des livres, un immense carton rempli de cadeaux violets, à découvrir dans un océan de paille. Ils avaient décoré la grande salle de ballons violets qu'ils avaient gonflés en se relayant, portaient tous des éléments de vêtements violets, m'ont écrit des messages inoubliables que je serre fort sur le cœur, des poèmes, des citations sur papier violet, enroulés comme des cigarettes. Ils ont été créatifs, comme j'aime. J'ai été invitée à faire un discours que je n'avais pas pensé à anticiper. Alors je me suis lancée, comme lorsque je venais chercher les groupes qui s'apprêtaient à visiter le Théâtre Municipal. Je leur ai raconté comme j'avais été heureuse auprès d'eux, et que ce bonheur n'était pas gagné aux balbutiements de cette nouvelle structure, quand j'avais supplié mon directeur adoré de me laisser retourner au Théâtre Municipal et qu'il était venu me demander de rester. Comme j'ai aimé cet homme si bon et si doux ... Je leur ai raconté aussi comme j'avais apprécié les bonnes conditions d'accueil qui me permettaient, avec quelques moyens, d'offrir ce que je pouvais proposer de mieux, ce qui me changeait tellement des conditions misérables d'autrefois. Je leur ai ainsi raconté cette anecdote: Un jour le metteur en scène d'une compagnie vient se plaindre de ce qu'aucune bouteille d'eau n'a été livrée. A cette époque, cela ne se faisait pas, ou très peu. Les biscuits présentés ressemblaient surtout à des biscuits pour chiens, en vrac. Je leur ai raconté comme, chaque fois qu'un lien fort s'établissait avec certaines compagnies, c'était souvent nous, les habilleuses, qui nous cotisions pour offrir un petit présent en souvenir des heureux moments passés ensemble. Mais que répondre à cette plainte qui m'était opposée, moi qui n'y pouvais rien, ne savais que répondre sans aggraver le malaise qui pointait le bout de son nez ? Le Diable était venu à ma rescousse. J'ai dû mentir deux trois fois dans toute ma vie. Ce jour là "Il" m'a inspirée et j'ai répondu ceci : "Ah, mais c'est qu'ici nous ne faisons pas livrer d'eau, car ce Théâtre est bâti sur une source !!!" Inspirée par la source des eaux du Boulou, j'ai ajouté : "cette eau délicieuse est extraordinaire. Elle est réputée d'avant le Moyen Age, on venait de loin pour la consommer et l'on disait qu'elle guérissait toutes les maladies et assurait quasiment la vie éternelle" "Ah bon ? Une source ??? et où aboutit-elle ?" -"Ici, aux toilettes, au robinet du lavabo". La brave dame s'est alors pressée de prévenir les artistes. "Venez viiite, apportez vos verres ... Le Théâtre est bâti sur une source !!!". En quelques minutes, une longue file d'attente s'est créée d'artistes dépenaillés, le verre à la main, pour entrer aux toilettes et remplir leurs verres dans le lavabo qui surplombait les toilettes à la turque. En sortant de ce lieu de grandeur et de décadence, les commentaires étaient unanimes "Oh, c'est vrai que cette eau est délicieuse, on le sent très bien ! Je vais en reboire ... Nous viendrons ce soir remplir quelques bouteilles au moment de repartir, afin de les emmener !!!" Et moi la timide, satisfaite d'avoir empêché quelque collègue de se faire taper sur les doigts mais aussi d'avoir glorifié les bonnes eaux de Perpignan, je n'ai même pas rougi ! Des centaines d'autres histoires dans ma besace ... celles que l'on peut raconter, et quelques autres que je garde pour moi ...
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