Robert Argence

Classe 1918, matricule 1186.

Photographe comme son père Jean, auquel un article est consacré, Robert est né à l’Ille-sur-Têt le soir de Noël 1898.
Troisième enfant d’une fratrie qui en comptera six dont cinq seulement arriveront à l’âge adulte.

Il mesure 1.65m, ses cheveux sont noirs, ses yeux marron, son front bombé, son nez droit, son visage ovale. Son niveau d’instruction n’est pas mentionné sur sa fiche militaire.

Robert a 16 ans lorsque la guerre éclate. Il est bouillonnant de patriotisme.

Mai 1915. Trop jeune pour s’engager, il s’enfuit de chez ses parents, ment sur son âge et suit le Régiment Colonial. Les parents, affolés, alertent les gendarmes qui l’arrêtent à Lyon et le ramènent à la maison. Il s’enfuit une seconde fois, joint le 6ème Colonial, mais les gendarmes le retrouvent encore, aux Islettes en Argonne. Même cause même effet. A la troisième tentative, ses parents sont légitimes de penser qu’ils ont sauvé la vie de leur rejeton : les gendarmes l’ont choppé à Verdun !!! … Ramené manu militari chez ses parents à Ille.

Le Temps qui passe joue pour lui. Enfin il va pouvoir partir défendre sa chère Patrie !

Ainsi, à 18 ans et trois jours, le 27 décembre 1916 il signe pour de bon son « engagement volontaire » « pour la durée de la guerre » à la Mairie de Perpignan.

Canonnier 2ème Classe le 29 décembre 1916.

D’abord affecté au 38e Régiment d’Artillerie de Campagne.

Le 2 juin 1917, passe au 81ème Régiment d’Artillerie Lourde à Marly le Roi.

Brigadier le 14 novembre 1917.

1er mai 1918, passe au grade du 81ème Régiment d’Artillerie Lourde et aux Armées.

Le 7 mai 1918, il obtient son livret de pilote d’avion.

L'avion de Robert Argence

Brevet de pilote de R. Argence


Le 31 mai 1918 à Chaudun, il fait partie du 1er engagement de chars Renault FF avec des éléments du 501ème régiment de chars de combat.

Il est porté disparu au combat le 2 juin 1918 devant Longpont dans l’Aisne. Avec son char d’assaut il a pénétré dans les lignes ennemies. Son char est tombé en panne, il a alors lutté jusqu’au moment où les ennemis l’ont entouré et immobilisé par de multiples blessures. Il a disparu au combat au niveau de la ferme Saint Paul à Longpont. Il a été blessé d’une balle qui a transpercé son blouson d’aviateur au niveau du poumon, puis d’une autre, tirée par un Allemand à bout portant en pleine tête. Il s’effondre au milieu des cadavres. Laissé pour mort, abrité par les corps de ses camarades, la douleur de ses graves blessures le fait gémir. Après les tirs, un médecin et une infirmière parcourent la zone de combats dévastée. L’infirmière perçoit ses gémissements et tous deux le sauvent au péril de leur vie. Robert dira plus tard, bien plus tard, que deux mères lui ont donné la vie. L’une d’elles parlait allemand…

Ils le soignent. Cependant il est fait prisonnier et envoyé en Allemagne, tandis qu’il est annoncé à sa famille « disparu » et « mort au combat » depuis le 3 juin 1918.

Il est resté en captivité du 2 juin 1918 au 16 février 1919.

Rapatrié d’Allemagne le 17 février 1919, passé au 3ème Régiment d’Artillerie.

Il obtient une pension définitive au vu de ses graves blessures et de leurs séquelles :

– Perte de la vision de l’oeil droit

– Induration du sommet gauche pulmonaire, bronchite des sommets + sclérose pulmonaire

– Enucléation de l’oeil droit

– Défiguration, syndrome subjectif des traumatisés crâniens, troubles vasomoteurs provoqués par des éclats métalliques inclus dans l’orbite

Il est abîmé mais vivant. Il n’a que 20 ans.

Le 25 mai 1919, il reçoit la Médaille Militaire.



Il se retire à Perpignan, 18 rue Louis Blanc. La rue la plus commerçante de la ville qui relie le Castillet à la place de la Loge.

Rapidement il reprend la vie civile, et se marie à 20 ans, le 8 septembre 1919, avec Paulette Gahagnon qui est une amie de sa cousine

Ils ont deux enfants, Marguerite dite « Maguy » en 1921, et Jean-Paul en 1922,

Les années passent, des années à travailler et à mener leur vie.

L’Europe entend au loin venir le bruit des bottes.

L’armée ne veut pas de Robert, handicapé, surtout par sa vision altérée. Il souffre de cataracte choroïdienne avec plaie ancienne pénétrante dans le globe, blessure de guerre incompatible avec le service armé. Il en est avisé par courrier le 4 septembre 1939.

Le jour même, il se présente comme « Espagnol » pour se faire intégrer dans la Légion Etrangère. Mais ça ne marche pas.

Son sang se remet à bouillir…

Le 5 septembre, il écrit à Daladier, Président du Conseil.



Le 6 septembre, il parvient à se faire incorporer.





Le 10 septembre 1939, il rejoignait Thionville !

La guerre a passé et Robert a eu la chance d’en revenir, vivant, malgré son intrépidité. Il est décoré de la Médaille du Combattant Volontaire.

Il reprend sa vie civile et familiale. Il n’a pas d’autres enfants avec Paulette.

Robert et Paulette divorcent en 1948.

Robert rencontre une jolie barcelonaise, Conchita Aria, s’éprend follement d’elle et l’épouse. De cette union naît Aurore en 1953.

Hélas Conchita tombe malade et décède en 1965 vers l’âge de 42 ans. Aurore perd sa maman, puis son papa trois ans plus tard.

Robert, 69 ans, fatigué d’une vie très vive et très remplie, s’éteint le 11 mai 1968 à Douzens, dans l’Aude, où il exerçait le métier d’antiquaire.

Argence Robert

 

Aurore Argence
L’indépendant, pays catalan, du 24/10/2018

Un immense MERCI à Aurore, grâce à laquelle les documents d’illustration et les récits sont parvenus jusqu’à nous.

Créé par David Argence
(Baeserta : Divinité celtique des Pyrénées • Déu celta dels Pirineus)