Zoé et Richard

En ces temps heureusement révolus, les colonies représentaient une source de richesses importante, notamment pour le sucre. La main d’œuvre – locale ou importée – était sous le joug de l’esclavage et le maître, qui était propriétaire de son personnel en son habitation avait tous pouvoirs de justice, de punitions et de mort et ce jusqu’à la mise en place du « Code noir » rédigé par le ministre omnipotent Colbert. Dès lors, l’ignominie était encadrée par la loi afin que cessent les mauvais traitements « gratuits », non pas pour le bien-être de ces pauvres esclaves, mais surtout parce qu’ils engendraient trop de perte en main d’oœuvre et risquaient de compromettre la productivité.

Lors de l’abolition de l’esclavage, proclamée par Victor Schoelcher, fervent opposant à l’esclavage, en 1848, il a bien fallu donner une identité à toutes ces personnes qui, en recouvrant leur liberté légitime, embrassaient la citoyenneté. Jusqu’alors ils ne portaient que prénoms ou sobriquets. Ils gardèrent leurs prénoms, qui jusqu’à ce moment était leur seul identité et reçurent ARGENCE pour nom de famille, en même temps que leur liberté et leur reconnaissance comme citoyen, comme on peut le lire sur le registre d’individualités.

Pourquoi Argence ? Cela reste un mystère, car si dans un premier temps j’ai cru qu’ils recevaient le nom de leur maître, les généalogistes martiniquais m’ont affirmé que ce n’était jamais le cas et que le nom dépendait de l’humeur et de la volonté de l’officier d’état civil. Une particularité physique, un lieu géographique, ou n’importe quoi d’autre. Le mystère reste donc entier. Il nous reste à faire le lien entre Zoé Argence, son fils Richard, et les habitants actuels de la Martinique qui portent le nom d’Argence car, en tenant compte de la rareté de notre patronyme et de la faible densité de population martiniquaise, il s’agit certainement de leur descendance.



Ce lundi 12 février 1849 fut un grand jour pour Zoé, qui devenait citoyenne, et c’est ainsi que, dans le bon ordre des choses quelques minutes plus tard, son fils Richard était reconnu par la République comme son fils légitime. Le père de Richard, Noé, était décédé trop tôt pour recevoir un nom de famille.

La citoyenne Zoé, née dans la commune du Lorrain, section Marigot, âgée de soixante cinq ans, fille naturelle d’Hermine décédée, domiciliée au Marigot et inscrite précédemment au registre matricule des esclaves sous le n° 3321 s’est présentée devant nous et a reçu les nom et prénom de Zoé Argence.
Fait à la Grande anse le 12 février 1849.
Le Maire, M. Estripeaut



Le citoyen Richard, né dans la commune du Lorrain, section Marigot, âgé de quarante deux ans, fils légitime de Zoé Argence et de Noé décédé, domicilié au Marigot et inscrit précédemment au registre matricule des esclaves sous le n° 3355 s’est présenté devant nous et a reçu les nom et prénom de Richard Argence.
Fait à la Grande anse le 12 février 1849.
Le Maire, M. Estripeaut

> Le registre d’individualité correspondant

2 réponses sur “Zoé et Richard”

  1. Merci David pour cette honnêteté intellectuelle, et pour ta ténacité. Cette histoire aura certainement un jour un dénouement pour lever ce mystère. Merci pour cette anecdote peu commune.

  2. Au bout de nos recherches il y a tant à faire pour tout remettre en ordre! Quand on tire un bout d’histoire, il y a des fanges importantes , voire des pages insoupconnées de notre histoire Argence qui se révêlent . Merci David!

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Créé par David Argence
(Baeserta : Divinité celtique des Pyrénées • Déu celta dels Pirineus)